L'assurance vie avec effet de levier - les meilleures pratiques !
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L'assurance vie avec effet de levier - les meilleures pratiques !

Assurance vie | 13 juin 2023 | Christian Hubert

Christian Hubert l Expert-Conseil, Fiscalité et planification successorale

Les stratégies d’assurance vie utilisant l’effet de levier connaissent depuis longtemps une grande popularité auprès des conseillers. Ces stratégies s’adressent généralement à une clientèle plus sophistiquée bénéficiant d’un patrimoine important. Toutefois, elles sont allègrement utilisées pour présenter l’assurance vie sous un angle plus aguichant. Bien qu’elles puissent procurer de réels bénéfices aux titulaires de contrats, elles comportent certains risques financiers et fiscaux que nous ne devons pas prendre à la légère ou simplement ignorer. Quant aux projections de rentabilité, l’utilisation d’hypothèses réalistes et adaptées à la situation du client est également au cœur des bonnes pratiques à développer.

Cet article ne se veut pas une analyse exhaustive des enjeux liés à ce type de stratégie, mais sert plutôt à faire certaines mises au point sur les hypothèses employées.

Contexte

Pour bien comprendre l’attrait de ces stratégies de levier, il faut savoir qu’il existe plusieurs programmes offerts par une panoplie d’institutions financières et qui permettent aux titulaires de polices d’emprunter en mettant en garantie leurs valeurs de rachat. Selon les règles en vigueur, ce genre de prêt n’engendre pas de disposition au niveau de la police, contrairement aux retraits ou aux avances consenties directement par l’assureur qui peuvent générer un revenu imposable. Les liquidités ainsi récupérées pourront servir à des fins d’investissement, à financer l’acquisition de biens personnels ou à combler les besoins à la retraite.

Par ailleurs, il est important de se rappeler que certaines stratégies de levier ont été abolies en 2013 après avoir connu leurs heures de gloire pendant près de deux décennies.  Le législateur les traite depuis comme des stratagèmes illégitimes où les polices sous-jacentes perdent leurs privilèges fiscaux (il s’agit de la Police 10/8 et de la Police RAL). Cette réaction fut le résultat d’une industrie trop gourmande malgré quelques avertissements lancés par le gouvernement fédéral à l’époque.

Petit rappel déontologique

D’abord, il est pertinent de se rappeler quelques notions déontologiques derrière le travail d’un conseiller en sécurité financière, de surcroît lorsque le produit d’assurance offert est jumelé avec une stratégie de levier financier. Selon le Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et en lien avec le présent article, nous pouvons retenir les notions suivantes relatives aux devoirs et obligations du conseiller envers son client ou tout client éventuel (mon résumé) :

  • Agir avec probité et en conseiller consciencieux, notamment en fournissant tous les renseignements qui pourraient être nécessaires ou utiles;

  • Exposer de façon complète et objective et s’abstenir de donner des renseignements qui seraient inexacts ou incomplets.

À la lumière de ce qui précède, il est essentiel de présenter l’ensemble des éléments qui pourraient influer sur la rentabilité de la stratégie proposée afin de permettre une prise de décision la plus éclairée possible.

Nous arrivons maintenant dans le vif du sujet. Nous aborderons deux stratégies populaires à l’heure actuelle en focalisant sur certains éléments pertinents à considérer lorsqu’elles sont présentées à des clients.

La stratégie de financement immédiat

Comme son nom l’indique, cette stratégie vise à remplacer rapidement les liquidités capitalisées aux contrats via un prêt collatéral. Elle requiert donc l’accumulation de valeurs de rachat à court terme au sein de la police. La plupart des assureurs ont même intégré dans leur gamme de produits participants une version qui offrent des valeurs de rachat plus généreuses dans les premières années afin de permettre un refinancement rapide des liquidités tout en minimisant l’apport de garanties additionnelles. Il faut cependant noter que cette version du produit présente un capital-décès inférieur et ne permet pas de maximiser les valeurs à long terme. Il sera judicieux de valider avec le client le produit qui lui convient le mieux.

Afin d’illustrer la stratégie avec des résultats les plus fidèles possibles à la situation du client, il faut utiliser des hypothèses réalistes. L’un des facteurs qui influe lourdement sur la rentabilité est le taux d’imposition. Ce taux sert à calculer l’économie fiscale liée à la déduction des intérêts et d’une portion du coût d’assurance. Lorsque le titulaire est une société, c’est le taux applicable aux revenus passifs, soit 50,17 % au Québec, qui est largement utilisé. Toutefois, cette hypothèse n’est pas tout à fait juste dans une grande majorité de cas. En réalité, ce taux est constitué de deux éléments :

  1. 19,5 % – qui représente l’impôt final sur le revenu (fédéral et provincial);
  2. 30,67 % – qui représente l’impôt temporaire remboursable lors du versement de dividendes imposables.

En sachant que ce dernier élément est un impôt temporaire et qu’il est souvent récupéré de façon régulière ou ponctuelle par la société, il serait plus juste d’utiliser le taux de 19,5 % afin que les résultats présentés soient plus représentatifs de la réalité. C’est pour cette raison qu’il est important de valider les hypothèses auprès du client et de son conseiller fiscal.

Par ailleurs, le taux d’intérêt sur le prêt aura également un impact significatif sur la rentabilité de la stratégie. Il est donc fortement recommandé de présenter la sensibilité de ce taux sur les résultats projetés

La stratégie d'assurance retraite corporative

Contrairement à la stratégie précédente, celle-ci vise plutôt à utiliser les valeurs de rachat accumulées à long terme (généralement plus de 20 ans) dans le but d’accéder à une importante marge de crédit qui servira ultimement à financer la retraite de l’actionnaire. Généralement, la société titulaire de la police va négocier une marge et utiliser les avances annuelles pour verser des dividendes. Entre-temps, le solde de la dette s’accumulera au rythme de ces avances et des frais d’intérêt. Au décès de l’actionnaire (l’assuré), le capital-décès libre d’impôt permettra à la société de rembourser le solde du prêt sans toucher au crédit porté à son compte de dividendes en capital (CDC).

Une retraite financée par la société, sans impôt... Vraiment ?

Il existe une variante au scénario précédent où l’actionnaire est personnellement l’emprunteur et utilise la police corporative à des fins de garantie du prêt. Trop beau pour être vrai? Il y a cependant plusieurs enjeux fiscaux qui ne sont que rarement mis en perspective par ceux et celles qui présentent la stratégie sous cet angle. Parmi ces enjeux réels, nous retrouvons notamment le problème de l’avantage imposable.

Avantage conféré à l’actionnaire : Le fait d’utiliser un bien corporatif à des fins personnelles constitue un avantage imposable pour l’actionnaire. Bien que nous n’ayons aucune précision sur la valeur de cet avantage, il a déjà été avancé qu’il pourrait correspondre au différentiel de taux d’intérêt dont bénéficie l’actionnaire grâce à la garantie corporative. Dans certains cas, il pourrait s’agir carrément de l’avance annuelle de la marge. Pour éviter l’application d’un tel avantage, certains parlent d’un frais de garantie que l’actionnaire devrait payer à la société.

Frais de garantie : Ces frais devraient correspondre à la valeur de la garantie offerte par la société. Certains ont avancé par le passé que des frais entre 1 % et 2 % seraient suffisant, probablement plus près du 2 % à mon avis. Bref, ces frais appliqués sur le solde du prêt seront croissants dans le temps et deviendront payables annuellement jusqu’au règlement final, généralement au décès de l’actionnaire. De plus, ces frais payés à la société seront imposables pour cette dernière.

À la lumière de ces quelques éléments, il semble déjà utopique de penser que la retraite sans impôt est possible, surtout si elle est financée à l’aide d’actifs corporatifs.

Conclusion

Pour résumer et conclure, je dirais que l’utilisation de l’effet de levier apporte en soi son lot de facteurs qui viennent multiplier la variabilité des résultats projetés. Il est facile d’aligner certaines hypothèses favorablement ou d’omettre certains enjeux fondamentaux, mais il est du devoir d’un conseiller de présenter objectivement toute stratégie en prenant en compte tous les éléments qui pourraient jouer sur l’atteinte des bénéfices escomptés.

Par ailleurs, il est primordial de bien connaître votre client avant de lui présenter une stratégie impliquant du levier et n’hésitez pas à valider vos hypothèses avec lui ou auprès des professionnels qui le conseillent afin de présenter des scénarios réalistes.

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