S'autofinancer grâce à l'Infinite Banking : Stratégie réaliste ou simple illusion?
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S'autofinancer grâce à l'Infinite Banking : Stratégie réaliste ou simple illusion?

Fiscalité | 11 mars 2025 | Christian Hubert

Le concept d’Infinite Banking semble gagner en popularité, notamment au sein de certains réseaux sociaux. Présentée comme une stratégie d’autofinancement avantageuse, cette approche permet aux titulaires de polices d’assurance vie d’emprunter sur la valeur de rachat de leur contrat pour financer divers projets tout en maintenant la croissance de leur capital. Mais cette promesse est-elle aussi intéressante qu’elle en a l’air ? Cet article vise à faire la lumière sur le fonctionnement réel de l’Infinite Banking au Canada, en analysant ses avantages, ses risques financiers et ses implications fiscales.

L’origine de l’Infinite Banking

L'Infinite Banking Concept (IBC) a été développé par Nelson Nash, un économiste et auteur américain. Il a présenté ce concept pour la première fois dans son livre "Becoming Your Own Banker", publié en 2000. Alors qu’il traversait une période financière difficile marquée par des taux d'intérêt élevés dans les années 1980, Nelson Nash réalise à quel point il était dépendant des institutions financières traditionnelles pour financer ses projets et ses investissements. Frustré par cette dépendance, il a cherché un moyen de reprendre le contrôle de son propre flux de trésorerie. En s’appuyant sur son expérience dans l’assurance-vie et la gestion financière, il propose d’utiliser des contrats d’assurance-vie permanente à valeur de rachat comme des véhicules d’épargne et de financement.

L'idée centrale repose sur le principe de devenir son propre prêteur en établissant une structure financière personnelle, offrant ainsi un accès flexible aux liquidités tout en profitant d'une croissance fiscalement avantageuse

Comment fonctionne ce concept ?

L’Infinite Banking repose donc sur l’utilisation stratégique d’un contrat d’assurance vie permanente comportant des valeurs de rachat qui croîtront avec le temps et qui pourront servir de levier par le titulaire du contrat. Le concept fonctionne généralement en souscrivant un contrat d’assurance vie entière avec participations conçu pour maximiser la valeur de rachat et qui sert ensuite de garantie pour emprunter des fonds auprès de la compagnie d’assurance. Ces fonds peuvent être utilisés librement et le titulaire rembourse cet emprunt à son rythme tout en continuant à générer des rendements sur la totalité de la valeur de rachat. Ainsi, les intérêts payés par ce dernier reviennent en partie dans son propre écosystème financier.

En résumé, ce mécanisme vise à transformer un contrat d’assurance-vie en un outil financier polyvalent permettant d’assurer une gestion autonome de son propre capital.

De l’illusion à la réalité !

Bien que l’idée de s’émanciper des institutions financières puisse paraître attirante, il existe de nombreux enjeux et limitations à la réalisation des avantages promis. Par conséquent, il devient important de démystifier certains aspects qui sont parfois présentés de manière trop séduisante ou simplifiée. Voici les principales mises en garde à souligner afin de mettre en lumière certaines illusions associées à cette stratégie.

Engagement à long terme requis
Le concept repose sur la capitalisation pendant plusieurs années d’un contrat d’assurance vie et requiert une certaine patience avant d’obtenir des valeurs de rachat significatives pouvant faire l’objet d’un levier financier. Compte tenu des coûts d’assurance et de la croissance modérée des valeurs au cours des premières années, une résiliation prématurée peut entraîner des pertes financières.

Coût d’emprunt potentiellement élevé
Bien que l’accession aux valeurs de rachat par l’entremise d’une avance sur police soit simple et rapide tout en permettant de maintenir leur croissance, les frais d’intérêt chargés par l’assureur peuvent être supérieurs au rendement interne de la police. Il s’avérera opportun dans certains cas de considérer d’autres sources de financement (marge de crédit, prêt hypothécaire, etc.).

Imposition éventuelle
Le présent concept prône l’avance sur police comme solution simplifiée pour l’accès aux valeurs. L’avantage de cette méthode réside dans le fait que ces avances ne sont pas imposables tant qu’elles sont inférieures au coût de base rajusté (CBR) du contrat. Bien que cet élément fiscal augmente significativement pendant la période de capitalisation, il diminuera progressivement par la suite et deviendra généralement nul à long terme. Il est donc essentiel de bien gérer le niveau d’emprunt et de surveiller l’évolution du CBR du contrat afin d’éviter une imposition imprévue qui pourrait réduire les avantages de la stratégie.

Effet boule de neige de la dette
Si les prêts ne sont pas remboursés ou sont mal gérés, les intérêts s’accumulent et réduisent progressivement la valeur nette de la police. Un excès d’emprunts peut limiter l’accès aux fonds futurs et entraîner une réduction importante du capital disponible pour la succession.

Options d’investissement alternatives
Une trop grande concentration des liquidités disponibles vers ce concept sans considérer d'autres véhicules d’investissement fiscalement avantageux, comme le CELI, le REER ou certaines formules offerts par les fonds mutuels peut limiter la diversification et l'optimisation fiscale de son patrimoine.

Version corporative de la stratégie
L’illusion ultime serait de prétendre (comme le font certains promoteurs, notamment sur les réseaux sociaux) qu’il est possible pour un actionnaire de financer sa retraite sans conséquence fiscale à l’aide des valeurs accumulées par sa société. En effet, l’utilisation d’un prêt personnel garanti par une police détenue par sa société sera généralement considérée comme un avantage imposable pour l’actionnaire. Veuillez vous référer à cet article précédent pour plus d’informations à ce sujet : L'assurance vie avec effet de levier - les meilleures pratiques ! De plus, dans cette structure de prêt collatéral, on s’éloigne du principe d’indépendance vis-à-vis des banques.

Conclusion

La Bancassurance infinie n’est pas une solution magique! Elle peut sembler attrayante comme outil de gestion financière et de création de richesse, mais il serait illusoire de croire qu’elle s’applique facilement et uniformément à tout le monde. Cette stratégie repose sur des mécanismes complexes qui exigent une compréhension approfondie des aspects fiscaux, des implications juridiques et des risques financiers. De plus, elle n’est généralement pertinente que pour ceux qui disposent de la stabilité financière et des ressources nécessaires pour en tirer parti sans compromettre leur sécurité économique. Avant d’adopter cette approche, une évaluation prudente et rigoureuse et des conseils professionnels sont essentiels pour éviter des écueils et de mauvaises surprises.

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