Transfert d’un contrat d’assurance-vie par une société
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(French only) Transfert d’un contrat d’assurance-vie par une société

Tax optimization | Jul 10, 2020 | Christian Hubert

Christian Hubert, Expert-Conseil - Fiscalité et Planification successorale

Il n’y a pas une semaine qui s’écoule sans que je ne sois questionné sur le sujet, la pandémie n’ayant d’ailleurs pas ralenti ce rythme. La complexité de la réponse vient du fait que les enjeux fiscaux sont multiples et que les solutions envisagées apportent leur lot de questionnements. Cet article vous propose donc de décortiquer les différents aspects de la transaction pour mieux cerner les conséquences fiscales et vous familiariser avec les solutions exploratoires.

Dans ce type de transfert, où une société par actions est titulaire du contrat, les répercussions fiscales se présentent généralement sous deux volets. Le premier, concerne le cédant (celui qui dispose du contrat) et implique un gain sur police le cas échéant. De l’autre côté, nous retrouvons le cessionnaire (le bénéficiaire du transfert) et l’avantage fiscal qui pourrait en découler. Démystifions ensemble les différentes notions essentielles à la bonne compréhension des enjeux auxquels votre client pourrait faire face.

 

Liens de dépendance

Pour les fins de cet article, nous présumons que le transfert de police s’effectue entre des parties ayant un lien de dépendance. Sachez que les personnes liées par les liens du sang, du mariage et de l’adoption ainsi que les sociétés sous contrôle commun sont réputées avoir un lien de dépendance. Il est à noter que les personnes non liées peuvent tout de même transiger avec un lien de dépendance. Il peut donc exister un lien de fait, bien qu’il soit plus difficile à déterminer.

 

Conséquences pour la société cédante

Lorsqu’un contribuable dispose d’un intérêt dans une police d’assurance-vie, c’est l’article 148 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) qui régit les impacts fiscaux. La cession d’un contrat représente l’une des principales dispositions pouvant résulter par une somme à inclure aux revenus de son titulaire.

Dans ce contexte, le premier enjeu fiscal se résume à la question suivante : « Le transfert va-t-il générer un gain sur police pour la société? ». La compagnie d’assurance a d’ailleurs l’obligation fiscale de déterminer et de déclarer le gain sur police pour le titulaire cédant le cas échéant. C’est pourquoi leur formulaire administratif requiert des précisions sur certains aspects du transfert, notamment :

  • La présence d’un lien de dépendance entre les parties;
  • La valeur de la contrepartie payée par le cessionnaire dans le cadre du transfert.

Petit conseil : ne prenez pas à la légère ces questions qui seront déterminantes sur le résultat final.

 

Gain sur police

Lorsque les parties transigent avec un lien de dépendance, le gain sur police correspond à l’excédent éventuel du produit de disposition du contrat sur son coût de base rajusté, le tout représenté par la formule suivante :

Gain sur police  =  PD (produit de disposition)    CBR (coût de base rajusté)

Le premier défi est donc l’identification du produit de disposition. Depuis le budget fédéral du 21 mars 2016, qui avait d’ailleurs mis fin à une généreuse stratégie de transfert par l’actionnaire, ce produit correspond au plus élevé des montants suivants :

  1. Coût de base rajusté (CBR) du contrat;
  2. Valeur de rachat nette;
  3. Contrepartie payée par le cessionnaire.

Ce dernier montant est désormais pertinent dans la détermination du produit de disposition, car s’il est plus élevé que le CBR et la valeur de rachat, il augmentera le gain sur police à déclarer.

Il est important de préciser que ce gain sur police n’est pas reconnu comme un gain en capital, et sera imposé au même titre qu’un revenu d’intérêt. De plus, puisque le produit de disposition ne peut être inférieur au CBR du contrat, aucune perte sur police ne pourra être déduite. Ceci dit, des feuillets fiscaux seront émis par l’assureur au nom du titulaire cédant afin de confirmer la somme devant être incluse à ses revenus.

Par ailleurs, il est à noter qu’en vertu des nouvelles règles sur les revenus passifs, ce gain pourrait provoquer ou accélérer la diminution du plafond des affaires de la société l’année suivante et, le cas échéant, augmenter l’imposition de ses revenus d’entreprise.

 

Transfert exonéré

Il existe deux circonstances où le transfert pourrait se faire en franchise d’impôt, sous réserve du respect de conditions bien précises :

  • Fusion entre sociétés (en vertu de l’article 87 LIR);
  • Liquidation d’une filiale par la société mère (en vertu du par. 88(1) LIR).

Si une telle situation se présente, il sera important de le préciser à l’assureur en complétant le formulaire approprié et en fournissant les documents pertinents pour vous assurer que le changement soumis bénéficie du roulement fiscal.

Jusqu’à maintenant, il n’a pas été question de la juste valeur marchande de la police, et c’est pleinement voulu, car cette valeur n’est pas pertinente pour établir la portion imposable pour la société cédante. Voyons maintenant l’autre volet du transfert qui, prenez-le en note, n’a rien à voir avec l’assureur et ses obligations d’ordre fiscale.

 

Conséquences pour le cessionnaire

Il est important de savoir que nous ne sommes plus dans l’univers des règles fiscales touchant l’assurance-vie, mais bien dans celui régissant les sociétés privées et leurs actionnaires. Ce sont donc un ensemble de règles générales qui s’appliquent à ce niveau. Peu importe le bien corporatif qui fait l’objet d’un tel transfert, le cessionnaire s’expose à une éventuelle imposition.

La question qu’il faut poser à ce niveau est la suivante : « Le transfert conférera-t-il un avantage direct au cessionnaire ou indirectement à une personne liée? ». Celle-ci est généralement plus complexe à répondre et vous ne pourrez fort probablement pas donner de réponses précises à votre client.

 

Avantage imposable

Règle générale, la cession pure et simple d’un bien par une société en faveur d’une partie avec un lien de dépendance pourrait conférer un avantage fiscal au cessionnaire. C’est le cas notamment lorsque le transfert d’une police s’effectue en faveur d’un actionnaire (particulier ou société) sans qu’une contrepartie suffisante ne soit payée par ce dernier. Peu importe le bien cédé par une société, c’est sa juste valeur marchande (JVM) qui sera prise en compte dans la détermination d’un éventuel avantage à déclarer. Dans le cas d’une police d’assurance-vie, l’évaluation doit être obtenue auprès d’un actuaire indépendant qui se spécialise dans ce domaine. La formule suivante sert donc à établir l’avantage qui devra être déclaré :

Avantage imposable  =  JVM de la police  –  Contrepartie payée

Parlant de valeur marchande, j’ai trop souvent entendu qu’un contrat temporaire n’en a pas puisqu’il n’offre pas de valeur de rachat. Il faut comprendre que la valeur marchande repose sur plusieurs facteurs, dont cette valeur de rachat. Le droit de transformation prévu dans un tel contrat représente souvent le facteur le plus influent de sa valeur marchande. Tenez-le-vous pour dit!

 

Dividende en nature

Dans le cas d’un transfert en faveur d’un actionnaire, la déclaration préalable d’un dividende pour un montant équivalent à la JVM de la police permettrait de réduire la facture fiscale. En effet, pour un particulier, l’imposition des dividendes est légèrement inférieure au taux général applicable sur l’avantage imposable. En fonction des taux marginaux maximums, la différence peut atteindre plus de 6% (soit 47,14% vs 53,31%) pour l’année 2020. Si l’actionnaire-cessionnaire est plutôt une société, ce dividende en nature pourrait être reçu en franchise d’impôt, sous réserves cependant des règles contraignantes sur les dividendes intersociétés en vertu du paragraphe 55(2) de la LIR.

Advenant l’application de restrictions, il faudrait plutôt planifier ce dividende via un rachat d’actions par la société cédante. Cette technique doit faire l’objet d’une analyse approfondie afin d’en connaître la pertinence. De plus, contrairement au dividende en nature, les autorités fiscales traitent le rachat d’actions comme une contrepartie payée par le cessionnaire. En conséquence, le produit de disposition pour la société cédante correspondrait à la JVM de la police et générerait un gain sur police plus élevé.

Vous conviendrez maintenant que les enjeux fiscaux reliés au transfert de police par une société sont variés et complexes et ne pourront se solutionner sans l’intervention des professionnels de votre client. C’est pourquoi il est important d’aiguiser vos réflexes tout en reconnaissant la limite de vos champs de compétence.

 

Votre rôle

En tant que conseiller en sécurité financière, votre rôle doit donc demeurer celui d’informer votre client relativement aux enjeux potentiels et de communiquer l’information adéquate à l’assureur. La responsabilité d’identifier la solution optimale et de traiter adéquatement les conséquences fiscales revient uniquement à votre client et à ses professionnels impliqués dans le processus. Il est donc primordial de bien les sensibiliser à ces enjeux afin d’éviter les mauvaises surprises.

En conclusion, j’avouerai qu’il était utopique de vouloir en finir avec la question puisque les implications sont importantes et dépendent des faits propres à chaque situation. En espérant que ces quelques lignes sauront vous outiller pour mieux informer vos clients et les guider dans leurs prises de décision.

 

 

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